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Le secteur : des données difficiles à obtenir
La prostitution est légale en Suisse depuis 1942 et, selon la dernière jurisprudence (2021) du Tribunal fédéral, elle n’est plus considérée comme contraire aux bonnes mœurs. Il ne semble pas exister de données fiables et actuelles sur la taille et la composition du marché suisse du sexe. Une étude de l’Université de Genève datant de 2008 estime le nombre de prostituées exerçant légalement entre 13.000 et 20.000. Selon l’Aide Suisse contre le Sida, entre 18.000 et 22.000 personnes se sont adonnées à la prostitution en 2013. La plupart des prostituées sont actives dans les cantons de Berne et de Zurich, même si un nombre relativement important de travailleuses du sexe sont également déclarées dans les cantons frontaliers urbains comme Genève, Bâle et le Tessin. Il n’existe que très peu d’informations sur le nombre de prostitués masculins. Rien que dans le canton de Zurich, les chiffres varient entre 250 et 1 300 hommes, selon les sources.
Source : https://www.unige.ch/sciences-societe/socio/files/6714/2245/9805/sociograph_6b_final.pdf
Situation juridique
En Suisse, la prostitution relève du domaine de la législation concurrente, étant donné qu’il s’agit d’une activité économique privée. Cela signifie que les cantons peuvent édicter leurs propres lois tant que la Confédération n’a pas fait usage de sa compétence législative. Des règles fédérales s’appliquent toutefois dans les domaines du droit contractuel, du droit pénal, du droit fiscal, du droit des assurances sociales et du droit des étrangers.
En l’absence de loi fédérale, les questions de savoir quand, où et dans quelles conditions la prostitution est autorisée sont régies par les lois et ordonnances cantonales correspondantes. En font partie les réglementations sur les conditions personnelles des prostituées (par exemple l’âge et les obligations d’enregistrement), tout comme les prescriptions relatives aux maisons closes et aux exploitants de maisons closes. Le droit fédéral limite la compétence des cantons en matière de réglementation dans la mesure où les mesures adoptées ne doivent pas être disproportionnées (art. 5 de la Constitution fédérale[1] ). Les réglementations ne doivent par exemple pas rendre la prostitution plus difficile qu’elle ne l’est.
Une interdiction totale de la prostitution par des dispositions cantonales n’est pas non plus légale, car la prostitution est protégée par la liberté économique. Les dispositions cantonales ne peuvent donc contenir que des interdictions d’exercice limitées dans le temps ou dans l’espace, et non une interdiction totale de la prostitution. Les réglementations visant à protéger la santé des prostituées et les mesures de protection contre la violence relèvent entièrement de la compétence des cantons.
Tous les cantons n’ont pas adopté de lois ou d’ordonnances sur la prostitution. Le Tessin a été le premier canton à introduire une telle loi en 2001 et l’a déjà renforcée en 2019. Entre-temps, tous les cantons francophones et le Tessin ont adopté des réglementations cantonales. En Suisse alémanique, le nombre de cantons ayant leur propre réglementation est plus faible, seuls les grands cantons ont adopté des lois (Zurich, Bâle-Ville, Lucerne, Berne).
Problèmes en Suisse
En principe, la Confédération retient toutefois les domaines problématiques suivants :
– La prostitution n’est pas un métier comme les autres : Les personnes qui se prostituent en Suisse courent un risque accru de souffrir de problèmes de santé et d’être victimes de délits.
– Les personnes qui se prostituent dans la rue ont un risque particulièrement élevé d’être victimes d’un acte de violence.
– La prostitution se déroule dans un marché très lucratif, hétérogène et, en Suisse, fondamentalement libéral, qui est par conséquent largement déterminé par l’offre et la demande. Les prostituées gagnent généralement peu (ou pas) par rapport aux autres acteurs du marché.
– Il existe de très nombreux profiteurs indirects dans le milieu de la prostitution (par exemple les bailleurs) qui augmentent le risque d’exploitation des prostituées.
– La découverte de cas de traite des êtres humains présuppose des enquêtes structurelles à long terme menées par des unités de police spécialisées. De telles enquêtes structurelles, qui permettent de mettre au jour des réseaux (de proxénétisme), font aujourd’hui largement défaut. Le travail d’enquête ainsi que la situation notoirement tendue des ressources dans les corps de police cantonaux rendent difficile l’élucidation de ces délits. Aujourd’hui, en Suisse, la traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle n’est généralement découverte que dans les rares cas où la victime cherche de l’aide de sa propre initiative.
– Compte tenu du caractère international des deux phénomènes que sont la prostitution et la traite des êtres humains, ainsi que de leur impact sur l’ensemble de la Suisse, une action coordonnée et stratégiquement homogène des autorités concernées est nécessaire.
Source : Rapport du Conseil fédéral de 2015 https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-57544.html
-Avec l’interdiction de l’achat de sexe en France, la prostitution s’est encore plus déplacée en Suisse et le « business » s’est développé. Les réseaux internationaux qui pratiquent la traite des êtres humains sont actifs en Suisse et de nombreux cantons ont dû augmenter leurs effectifs de police pour garantir la sécurité.
Source : Livre “Piff Paff Puff” de Aline Wüst
Position du Centre Femmes Suisse
Les individus qui pratiquent la prostitution s’exposent à d’importants risques pour leur santé. La prostitution ne saurait être laissée entièrement au marché et doit faire l’objet d’une réglementation plus stricte. Elle engendre des dangers et des préjudices inhérents pour les personnes qui exercent ce métier. Cependant, ses répercussions dépassent le cadre individuel, affectant l’ensemble de la société et compromettant les principes d’égalité, car la dignité humaine ne peut être monnayée. La plupart des femmes se tournent vers la prostitution faute d’autres perspectives. Il est impératif de leur offrir de réelles possibilités de sortie. Par conséquent, il est essentiel de renforcer et de restreindre davantage la réglementation de la prostitution.
Arguments :
– Il n’y a guère de prostitution sans contrainte ; elle se fait presque toujours par l’intermédiaire d’un proxénète, d’un clan, de son propre partenaire (ce qu’on appelle un loverboy) ou par nécessité sociale. De nombreuses prostituées sont physiquement ou psychiquement malades.
– Le fait que l’on puisse acheter du sexe conduit à une augmentation de la violence sexuelle, car l’objectivation du corps abaisse le seuil d’inhibition pour les agressions sexuelles.
Revendications du Centre Femmes Suisse
– Améliorer l’accès des prostituées aux soins de santé et à la prévoyance vieillesse.
– Interdire le proxénétisme et le poursuivre plus systématiquement.
– Loi sur la prostitution au niveau fédéral, axée sur la protection des prostituées (certaines réglementations cantonales visent aujourd’hui plutôt le maintien de l’ordre public comme objectif principal).
– Proposer des programmes de sortie de la prostitution attractifs pour les prostituées.
– Responsabiliser davantage les clients dans le signalement/la détection de la prostitution forcée.
– Réglementer/catégoriser l’assistance sexuelle/l’accompagnement sexuel différemment de la prostitution
– Abroger les lois/réglementations qui rendent les prostituées dépendantes de tiers, mais qui n’améliorent pas leur sécurité (par exemple, « autorisation de changement d’affectation du service des travaux publics de la commune ou de la ville » nécessaire pour le travail du sexe dans son propre appartement (canton de St-Gall).