Économie des soins et de la prévoyance
Nous voulons un soutien efficace pour la prise en charge des proches. La prise en charge des soins s’effectue souvent dans le cercle familial, sans rémunération, ni indemnité ou congés. Ce sont souvent des femmes qui effectuent ces tâches. Nous voulons un soutien efficace pour les proches aidants, afin que les personnes dépendantes puissent gérer leur vie quotidienne à domicile de manière autonome le plus longtemps possible. Nous voulons en outre des mesures d’allègement pour les proches aidants.
Travail de soins axé sur les proches aidants – Sept. 22
Notion de « travail de soins »
La notion de travail de soins et de care décrit l’activité consistant à s’occuper des autres et à prendre soin d’eux (définition selon l’Office fédéral de la statistique[1]). Elle comprend la garde des enfants ou les soins aux personnes âgées, mais aussi le soutien familial ou les soins à domicile. Il convient de faire la distinction entre le travail de care rémunéré et le travail de care non rémunéré. Le travail de care rémunéré comprend les offres des crèches, des foyers, des services d’aide et de soins à domicile, des centres de soins à domicile et d’autres institutions. Le travail de care non rémunéré comprend les prestations fournies au sein de la famille, telles que la garde des enfants, l’encadrement, l’accompagnement et le soutien des proches jeunes et âgé.es atteints d’un handicap, mais la tenue du ménage n’est pas incluse. Il est également important de noter que le travail de care non rémunéré ne peut pas être assimilé à la notion de travail non rémunéré, car cette dernière inclut également le travail bénévole.
Cette prise de position se concentre sur les proches aidants.
Le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) écrit : « ni la carrière professionnelle, ni la protection sociale ne doivent souffrir lorsque des personnes effectuent un travail de care non rémunéré« [2]. Le BFEG écrit en outre que « le travail de care non rémunéré et rémunéré doit être davantage pris en compte dans les réflexions économiques et sociopolitiques.[3] » En outre, il doit pouvoir être fourni dans des conditions adaptées à son importance et à sa spécificité.
Le travail de care en chiffres en se concentrant sur les proches aidants.
En Suisse, 11,5% de la population résidente s’occupe de ses proches, selon l’enquête sur les besoins des proches aidants (2019). Ce pourcentage ne comprend pas la prise en charge des propres enfants. La plus grande partie de la prise en charge est assurée par les personnes âgées de 50 à 64 ans. Selon l’OFS, les femmes consacrent 20 millions d’heures par an à la prise en charge de personnes adultes. Par ailleurs, l’évaluation des besoins des proches aidants montre que, sur l’ensemble de la Suisse, la proportion de personnes qui s’occupent de proches est très similaire. Deux tiers des proches aidants exercent une activité professionnelle. Près de 30% des proches aidants vivent dans le même ménage que les personnes dont ils s’occupent. Avec une part de 50%, ce sont le plus souvent les (beaux-)parents qui sont pris en charge. Parmi les tâches les plus fréquentes des proches, on trouve la catégorie « Finances et administration ». Avec près de 38%, cette catégorie fait partie des tâches presque toujours accomplies. La catégorie « assistance et soins » fait partie du quotidien de près de 10% des proches aidants. La durée médiane de la prise en charge est de cinq ans, mais de nombreux aidants connaissent un démarrage lent de leur activité de prise en charge. Un quart des proches aidants ont recours aux services d’aide et de soins à domicile. Pour les proches soignants, les points suivants font partie des obstacles au recours à l’aide : manque d’information, manque d’acceptation et manque de clarté concernant le recours à l’aide (ibid.).
Avec l’évolution démographique, le besoin d’assistance des personnes âgées va augmenter. L’Office fédéral de la statistique part du principe que le nombre de personnes âgées de 80 ans et plus va plus que doubler d’ici 2050 (Scénarios de l’évolution de la population de la Suisse et des cantons 2020-2050, 2020). En 2020, ils étaient 0,64 million et en 2050, ils devraient être 1,11 million. En outre, l’OFS prévoit qu’en 2050, 2,67 millions de personnes seront âgées de 65 ans et plus. En 2020, elles n’étaient que 1,64 million (ibid.). Sur la base de ces chiffres, on estime qu’il y aura encore beaucoup plus de proches aidants à l’avenir.
Principales constatations
- Impact sur la sécurité économique
- Le travail de care a des répercussions sur la sécurité économique de la famille (élargie). Afin de disposer d’une capacité ou d’un temps et d’un espace pour le travail de care au quotidien, les femmes n’exercent souvent qu’une activité professionnelle à temps partiel ou réduisent à nouveau leur taux d’occupation plus tard dans la vie afin de pouvoir assurer l’accompagnement de la génération plus âgée. Il en résulte une diminution des revenus du travail et des futures rentes.
- Contrairement à la pratique des employeurs qui remboursent les dépenses « out of pocket » de leurs employé.es, les proches aidants n’ont pas la possibilité de faire valoir ces dépenses, même pas fiscalement.
- La prise en charge complémentaire externe n’est souvent pas supportable, c’est pourquoi on renonce aux offres de décharge pour des raisons financières. En comparaison avec l’étranger, une grande partie des frais de santé est payée par le patient lui-même. Les participations aux soins, qui varient d’un canton à l’autre, entraînent en outre des inégalités de traitement. Pour les soins à domicile, la participation maximale est de 5 602,75 francs par an, pour les soins en établissement médico-social, la participation maximale est de 8’395 francs par an. Ces frais sont dus indépendamment de l’assurance maladie obligatoire et ne peuvent pas non plus être facturés à l’assurance. Si les frais de soins ne sont pas couverts par les prestations d’assurance et les prestations de soins, les cantons et/ou les communes, en tant que financeurs résiduels, prennent en charge la lacune de financement.
- Offres de soutien et d’assistance
- Les tâches d’assistance sont difficilement conciliables avec le travail. Elles exigent de la part des employeurs une grande flexibilité et une compréhension de la situation. Il existe un grand besoin d’information à ce sujet, de même que des dispositions légales concrètes, permettant par exemple aux proches aidants de s’absenter pour soigner et / ou se régénérer et / ou si nécessaire de réduire temporairement l’activité professionnelle.
- Face au vieillissement de la société, les offres de soutien et d’assistance pour les personnes dépendantes de soins sont insuffisantes. Souvent il est impossible de trouver des institutions pour confier les personnes dépendantes durant les vacances ou/ et les week-ends ou en cas d’arrêt maladie des proches aidants.
- L’aide et les soins apportés par des ressortissant.es venant de l’étranger reste actuellement attractive, car moins chère et adaptée aux besoins individuels.
- Différences régionales
- Les différences régionales en matière d’offres entraînent une inégalité de traitement des proches aidants.
- L’insuffisance des données sur les besoins des aidants à l’échelon national empêche la coordination et est source d’inégalités.
- Les différences entre les régions du pays sont immenses. A cela s’ajoutent les différences cantonales ainsi que le fossé ville-campagne. Bien que des possibilités de soutien et d’assistance existent, elles diffèrent d’une région, voire d’une commune, à l’autre et leur accès n’est toujours pas garanti à toutes les personnes.
- Soins à domicile
- Dans ce concept de soins, les soignant.es vivent directement chez la personne dépendante de l’aide et sont à disposition 24 heures sur 24, bien que les personnes engagées aient droit à des phases de repos. En raison de la situation économique dans certains pays européens, les ressortissant.es de ces pays acceptent des engagements, entre autres des agences de placement, souvent problématiques.
- Le financement et l’engagement doivent être clarifiés. Si les ménages doivent financer eux-mêmes les soins, les personnes offrant leur service sont dans une situation de fragilité et sont souvent exploitées. Par ailleurs les personnes économiquement peu privilégiées ne peuvent généralement pas rester à domicile, car le financement d’une aide à domicile n’est pas possible.
Revendications
- Les soins doivent être financés par la possibilité de déduire les coûts sur la déclaration fiscale, d’assurances ou d’autres moyens similaires, afin que tous les ménages puissent s’offrir des soins appropriés et adaptés à leurs besoins.
- Les proches aidants doivent être assurés au même titre que les autres travailleurs.
- Des structures de soins régionales doivent être créées pour soulager les proches aidants, comprenant aussi des offres de répit pour les vacances et les week-ends. Ces offres de soutien et d’assistance entraînent aussi indirectement des économies dans le cadre des coûts de la santé, car le risque de surcharge des proches aidants diminue. Les offres financées par les pouvoirs publics (y compris dans les institutions) doivent être de bonne qualité et abordables.
- Il convient de créer des points de contact cantonaux et régionaux pour les personnes concernées, afin de les informer notamment sur les aspects juridiques et financiers.
- Afin de protéger le personnel soignant étranger de l’exploitation, en particulier dans le cadre de la prise en charge en direct, il convient de créer un cadre juridique. De plus, le rôle des agences de placement doit être clarifié sur le plan juridique.
- Afin de mieux soutenir les proches aidants, la Confédération doit en collaboration avec les cantons recenser les besoins spécifiques de soutien et d’assistance. Ces données permettront d’identifier les changements politiques, économiques et sociaux et de prendre des mesures.
- Les compétences des aidants doivent être reconnues pour que le soutien financier soit possible via l’article 7 de l’Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS) (2015). Le Tribunal fédéral a déjà rendu un arrêt décisif à ce sujet, qui a fait l’objet d’un commentaire dans le magazine der Bund : https://www.derbund.ch/wer-angehoerige-pflegt-soll-einen-rechten-lohn-verdienen-445298064011
- Dans les familles où des enfants ou des proches malades ou handicapés doivent être soignés, ce travail devrait être indemnisé par l’État sous certaines conditions. Il pourrait par exemple s’agir d’une rente d’assistance à la retraite, afin que les personnes concernées ne soient pas tributaires de prestations complémentaires.
- Extension du projet « Lohn für pflegende Angehörige » (Salaire pour les proches aidants) de Caritas Lucerne. Cette possibilité d’employer des proches aidants existe déjà dans certains cantons sous différentes formes. Les proches reçoivent 35 CHF par heure pour les soins de base qu’ils dispensent. Les soins de base sont facturés à la caisse maladie compétente. Le rapport de travail est convenu au moyen d’un contrat de travail. Les cotisations de sécurité sociale sont payées. Le contrat de travail donne également droit à des vacances, par exemple. D’autres prestations de soins ne peuvent pas être facturées si les proches aidants n’ont pas de formation adéquate. Cela va même plus loin : les prestations de soins apprises en dehors des soins de base ne peuvent théoriquement plus être fournies, car les proches ne peuvent pas justifier d’un diplôme professionnel correspondant. Pour que ces activités apprises puissent tout de même être effectuées d’un point de vue juridique, une adaptation de la loi est nécessaire. Une infirmière diplômée soutient régulièrement les proches et les instruit. La SRF a fait un reportage sur le projet de Caritas dans le journal régional de Suisse centrale : https://www.srf.ch/news/schweiz/pilotprojekt-der-caritas-ein-lohn-fuer-pflegende-angehoerige . L’offre de Caritas Lucerne est disponible sur son site internet : https://www.caritascare.ch/de/angehoerige-pflegen.html
Sources
Reconnaissance et valorisation du travail de care, Département fédéral de l’intérieur (2010).
https://www.ebg.admin.ch/ebg/fr/home/themes/travail/le-travail-de-care—un-esprit-de-solidarite.html
Centre fédéral pour l’éducation politique (sans date).
Introduction : Le travail domestique et familial non rémunéré, Economie féministe (2021).
Introduction : Bénévolat, Economie féministe (2021).
Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins, OPAS (2015).
https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1995/4964_4964_4964/fr
NZZ, article / interview avec Monika Büttler le 09 août 2022, Katharina Fontana, Christina Neuhaus (2022).
Compte satellite de la production des ménages, Office fédéral de la statistique (2016).
Scénarios de l’évolution de la population de la Suisse et des cantons 2020-2050 (2020). https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/catalogues-banques-donnees/publications.assetdetail.14963221.html
Travail non rémunéré, module de l’ESPA (sans date)
https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/travail-remuneration/enquetes/espa-mod-tnr.html
Les personnes qui soignent des proches doivent gagner un vrai salaire, la Confédération (2020).
https://www.derbund.ch/wer-angehoerige-pflegt-soll-einen-rechten-lohn-verdienen-445298064011
[1] https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/sante/systeme-sante/aide-soins-domicile.html
[2] Reconnaissance et valorisation du travail de care, 2010
[3] BFEG: https://www.ebg.admin.ch/dam/ebg/fr/dokumente/care/anerkennung_und_aufwertungdercare-arbeit.pdf.download.pdf/reconnaissance_etrevalorisationdutravaildecare.pdf